La transversalité Bouddhisme/spinozisme

Chères amies, amis bouddhistes, philosophes, ou anarchistes de tout acabit, 

il me vient une réflexion de type spirituel que je souhaite partager avec vous. Lorsque j’ai rencontré le bouddhisme, j’ai été frappé par une conviction profonde qui me faisait sentir un sens de l’authentique, du vrai. 

Par bouddhisme, ici, j’ai surtout cette phrase en tête : 

« l’illusion est constitutive de la réalité ». 

En effet, je crois que cette phrase contient en elle l’essence de l’enseignement bouddhique. Bien entendu, je ne suis pas en train de dire que le bouddhisme se résume à cette phrase. Ne polémiquons pas ! 

D’autre part, ma rencontre avec l’enseignement issu de l’Ethique de Spinoza a été de la même force. Or, le problème que je souhaite partager avec vous, c’est que j’y vois une contradiction profonde entre ces deux enseignements et je ne voudrais pas prendre la voie qui consiste à en exclure un.  

En effet, l’essence de ce que Spinoza explique dans l’Ethique est contenu dans cette unique phrase : 

 « Deus sive natura » (Dieu est nature)

A première vue, vous me direz qu’il n’y a pas de paradoxe, puisqu’il n’y a pas de dieu, à proprement parler, dans le bouddhisme. Cependant, ce que défend Spinoza, à travers cette phrase et son livre, est un spiritualisme panthéiste, proche du taoïsme (dont je partage également les convictions). Cela n’a donc rien à voir avec le déisme. Mais, c’est vrai, excusez ce syncrétisme, mais je persiste à croire que, malgré les contradictions apparentes, la vérité est Une. 

Bref, nous avons, d’une part, le bouddhisme qui nous exhorte à quitter le Samsara, c’est-à-dire le cycle des existences conditionnées successives, soumises à la souffrance, à l’attachement et à l’ignorance et, d’autre part, Spinoza qui nous dit que la nature est dieu. 

Par conséquent, je ne sais pas si vous voyez le paradoxe, mais on ne peut pas à la fois demander aux gens de se détacher de la réalité et, d’autre part, affirmer que tout est Dieu. Si Dieu est nature, alors la vérité est ici-bas, dans le « monde réel », dans ce que les bouddhistes tente de quitter. 

Voilà… Après réflexion, je crois qu’on peut dire que quitter le cycle des renaissances ne signifie pas quitter le monde, cela signifie intégrer le monde (ce que l’on retrouve du reste dans la pleine conscience). La méditation ne devrait donc pas être un isolement et un détachement, mais un mariage avec le monde, c’est-à-dire avec le Tout, c’est-à-dire avec l’autre. Avec la méditation, on ne va pas à la rencontre du soi, mais de l’autre que Je suis (cf. Narcissisme-critique). 

Cela me conduit à dire que la vérité se trouve dans le communautaire, dans ce qui nous relie à l’autre. 

La fuite n’est pas spirituelle, elle est égoïste. Quant à l’ignorance et à l’égoïsme, qui caractérisent si bien nos sociétés, on peut en dire qu’il s’agit également d’une fuite. 

Pour résoudre le paradoxe, nous pourrions également faire une séparation conceptuelle entre ce qu’est la « réalité » et ce qu’est la « nature ». Mais alors qu’est-ce que la réalité si ce n’est la nature ? 
Ce que crée l’homme est naturel puisqu’il est un être de nature. A moins de postuler que l’homme est un extraterrestre ou que le but de la nature est dans la destruction de l’homme, que l’homme est un parasite. Mais ces solutions ne me conviennent pas… Si on dit que l’homme est un parasite alors on accepte de dire que la nature est malade de l’homme et donc qu’elle n’est pas dieu. Cela entre en conflit avec tout type de spiritualisme et alors on accepte qu’il n’y a rien, que la mort est juste la mort. Est-ce acceptable ? 

A ce stade, la tentation au cynisme et au fatalisme est forte. Mais je crois qu’il faut résoudre ce problème… 

Je termine mon mail avec cette citation de Camus : 

« L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. »

Amicalement, Luca V. Bagiella* **